65 ans après la découverte de la trisomie 21 :
Quels progrès médicaux et scientifiques ? Quels espoirs pour demain ?

Depuis la découverte de la trisomie 21 en 1958, de nombreux progrès médicaux et scientifiques ont été réalisés. Où en sommes-nous 65 ans après ?

L’indice le plus manifeste de ces progrès est l’allongement de l’espérance de vie, passée de 9 à plus de 60 ans en moins d’un siècle. Le doyen de la consultation de l’Institut a aujourd’hui plus de 73 ans. Si l’allongement de l’espérance de vie en découle, les progrès médicaux et scientifiques sont pour autant bien plus vastes que cela.
Les personnes porteuses de trisomie 21 ont d’abord bénéficié de l’amélioration des connaissances, essentielle pour trouver la prise en charge adaptée et identifier des pistes de recherche, mais aussi des progrès de la médecine générale.

Deux exemples, parmi de nombreux, permettent de l’illustrer.

  • A la naissance, entre 40 et 50%* des personnes avec trisomie 21 présentent une cardiopathie congénitale. C’était l’une des principales causes de mortalité jusqu’à ce qu’il soit possible d’opérer ces cardiopathies, à partir des années 1970. Aujourd’hui, les cardiopathies sont opérées de façon systématique dans les 6 premiers mois de vie et permettent une amélioration significative de l’espérance de vie ainsi que de la qualité de vie.
  • Autre exemple, la découverte de plusieurs vaccins, et notamment celui contre la rougeole en 1963. Si la mortalité des suites de cette maladie est proche de 0 en France pour la population générale, elle est en revanche très élevée chez les personnes avec une trisomie 21, qui y sont particulièrement sensibles et beaucoup en mouraient avant que ce vaccin ne soit mis au point.

La médecine sait aujourd’hui diagnostiquer et prendre en charge la plupart des comorbidités que l’on peut retrouver dans la trisomie 21, et qui impactent le développement et l’espérance de vie.

C’est le cas notamment du syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS), qui touche 1 personne porteuse de trisomie 21 sur 2, et peut entrainer plusieurs pathologies (cardio et cérébrovasculaire, métabolique et neurocognitive) et altérer profondément la qualité de vie. Si l’OMS recommande le dépistage du SAOS dès l’âge de 4 ans chez les enfants porteurs de trisomie 21, l’intuition des médecins de l’Institut et du Pr Fauroux (Hôpital Necker Enfants-Malades) est qu’un diagnostic et une prise en charge plus précoces peuvent améliorer significativement le développement de l’enfant. C’est l’objet de l’étude clinique Respire 21, lancée en 2017, dont les résultats devraient être connus d’ici la fin de l’année 2023, et grâce à laquelle de nombreux patients ont déjà pu bénéficier d’un traitement adapté.
De la même façon, la meilleure prise en charge des troubles du comportement permet, elle aussi, d’améliorer le développement de l’enfant et la vie de famille.

La prise en charge rééducative (orthophonie, kinésithérapie, etc.) et scolaire s’est améliorée. Celle-ci n’est pas toujours simple à mettre en place, par manque de professionnels ou de moyens, mais permet de réels bienfaits lorsqu’elle peut se faire.

En raison de tous ces progrès (dont la liste n’est pas exhaustive), on observe une hausse du niveau d’autonomie, et une meilleure inclusion de ces personnes, qui vivent plus longtemps et en meilleure santé. Il y a incontestablement encore du chemin à faire, mais de plus en plus de personnes avec une trisomie 21 exercent une activité, qu’elle soit rémunérée ou bénévole. Une enquête réalisée par trisomie21.org en 2021 avançait que 50% d’entre elles travaillent, soit en milieu ordinaire (43% des cas), soit en ESAT (57%). De nombreuses structures les employant se sont d’ailleurs développées ces dernières années. En outre, beaucoup vivent en autonomie ou semi-autonomie.

Du côté de la recherche fondamentale

Ces dernières décennies ont permis de nombreuses avancées : on connait aujourd’hui plus de 250 gènes du chromosome 21 (qui en compte environ 300) et parmi eux les gènes impliqués dans la déficience intellectuelle (tels que les gènes DYRK1A et CBS). Plusieurs traitements agissant sur ces gènes sont actuellement à l’étude.
Des modèles de souris et rats trisomiques 21 ont été créés et testent de futurs médicaments. En 25 ans, plus de 800 projets de recherche, dans 20 pays différents, ont été financés par la Fondation Jérôme Lejeune.

On sait aussi aujourd’hui que la recherche sur la trisomie 21 bénéficie à d’autres pathologies : c’est le cas par exemple de la maladie d’Alzheimer (prévalente dans la trisomie 21), ou au contraire du cancer du sein (quasi inexistant dans la trisomie 21). C’est la recherche sur les pathologies croisées.
Pour autant, la recherche est longue, et l’est d’autant plus qu’un traitement qui fonctionne dans la population générale ne fonctionnera pas forcément de la même façon dans la population porteuse de trisomie 21 : il faut ajuster les dosages, la posologie, évaluer les effets secondaires possibles… C’est par exemple le cas de certains traitements pour la leucémie*. Devant des résultats décevants au terme d’une étude clinique, il ne faut donc pas nécessairement abandonner la voie explorée, mais parfois juste repenser le dosage ou les critères d’évaluation de l’effet. Cela ouvre des pistes supplémentaires.

Lorsque l’on regarde en arrière, on constate donc de réels progrès qui sont chargés d’espoir parce que la recherche se poursuit, que de premiers médicaments sont à l’étude en phase préclinique, que les personnes porteuses de trisomie 21 vivent aujourd’hui mieux et plus longtemps qu’hier. Ce qui nous anime, c’est de poursuivre cet élan, pour offrir encore mieux demain aux personnes concernées et à leurs familles.

Cet article est une synthèse de la conférence donnée à Strasbourg pour une équipe de l’Institut, le 25 mai 2023.