Docteur Ravel en consultation

Entretien avec le Docteur Ravel

 

Après plus de 40 ans passés auprès de ses patients, le Docteur Aimé Ravel quittera l’Institut Jérôme Lejeune en mars prochain pour prendre sa retraite.

 « Je me souviens très bien du cheminement personnel qui m’a conduit à devenir pédiatre, confie le Docteur Aimé Ravel. J’étais en classe de 3ème, et lorsque j’ai dit que je ne savais pas quel métier je souhaitais exercer, mon professeur m’a répondu ‘Ne dîtes pas ça Ravel, je vous vois très bien médecin pour enfant !’. Cette idée ne m’a plus jamais quitté ».

Ce désir se confirmant, Aimé Ravel entame des études de médecine à l’Hôpital Necker à Paris. C’est là qu’il rencontre le Professeur Jérôme Lejeune, son professeur de génétique « Pendant plusieurs années, j’allais régulièrement rencontrer le Pr Lejeune à son laboratoire du CNRS. J’aimais discuter avec lui d’éthique, de philosophie, de médecine bien sûr… C’était un homme brillant et passionnant. C’est auprès de lui que j’ai découvert le monde de la déficience intellectuelle. En toute logique c’est vers lui que je me suis tourné pour ma thèse de doctorat en médecine », raconte-t-il.

Ravi de son travail de thèse qui lui avait valu une médaille d’Argent, le Professeur Lejeune lui propose de rejoindre son équipe et le forme à la génétique, aux côtés du Professeur Rethoré. Au bout de quelques années, il quitte la génétique pour rejoindre son premier amour, la pédiatrie, et commence à travailler en pédiatrie générale, en réanimation, et en néonatologie. Il ouvre ensuite son cabinet de pédiatrie générale dans lequel il recevra pendant plusieurs années.

En 1994, peu après le décès du Pr Lejeune, le Docteur Ravel est contacté par Jean-Marie le Méné, gendre du Professeur et futur président de la Fondation Jérôme Lejeune. Ce dernier lui soumet son projet d’une consultation poursuivant l’œuvre médicale et scientifique du Professeur Lejeune. « Un jour, se souvient le Dr Ravel, Jean-Marie le Méné m’a dit ‘ça y est, on va ouvrir une consultation, il faut que tu viennes !’ ». C’est ainsi que commence l’aventure de l’Institut. « Nous étions 3, le Professeur Marie-Odile Rethoré, le Docteur Clotilde Mircher – aujourd’hui chef de la consultation de l’Institut – et moi-même. Nous ne consultions que le samedi, bénévolement, dans des locaux prêtés par l’hôpital du Bon Secours. C’était une époque héroïque : chaque samedi soir, nous rangions les dossiers de nos patients dans un carton qui attendrait sagement sous un bureau le samedi suivant.».

« Je suis très reconnaissant de toutes les personnes qui nous ont aidés et soutenus. »

A l’époque, le Dr Ravel continue d’exercer en parallèle dans son cabinet. En mai 1998, le secrétaire d’Etat à la santé, Bernard Kouchner accorde un premier agrément autorisant la consultation. « Je suis parti lorsque nous avons reçu l’agrément, raconte le Dr Ravel. J’avais cru, à l’époque, que ma mission était terminée. Elle ne faisait en réalité que commencer ! Un an après, Jean-Marie le Méné m’a rappelé : j’ai alors pris la décision de fermer mon cabinet et de rejoindre pour de bon l’Institut. »

C’est une période décisive pour l’Institut : l’agrément permet l’obtention de locaux dédiés, l’équipe médicale s’étoffe, déménage une première fois. « Plusieurs médecins et paramédicaux nous ont rejoint, nous avons commencé la recherche. C’était la première génération de l’Institut ! », se souvient le Dr Ravel, « Je suis très reconnaissant de toutes les personnes qui nous ont aidés et soutenus à cette époque » ajoute-t-il. L’arrivée rue des Volontaires, en 2007, marque, elle aussi, un tournant.

Une vie en service

Pendant plus de 20 ans, le Docteur Ravel portera la double casquette de pédiatre et de chef de service de la consultation. Dévoué auprès de ses patients à qui il donne volontiers son numéro de téléphone, touché par chaque rencontre, il s’y consacre volontiers, avec disponibilité et humilité.

Issu d’une famille de militaires, il envisage son métier comme une mission, ajoutant d’ailleurs avec amusement qu’il s’agit d’une vocation au sens propre puisqu’il n’a fait que répondre à des appels. « J’ai toujours vécu mon travail comme un service, une mission, raconte-t-il, mais j’ai servi sans me faire d’illusion, ce que j’ai fait d’autres l’auraient fait à ma place, je n’étais qu’un serviteur ».

Chaque progrès rencontré chez un patient est porteur d’espoir, chaque situation qui se dénoue donne sens à son travail. « Le Docteur Ravel est un pilier pour l’Institut, il a accompagné chaque étape de son développement, témoigne le Dr Clotilde Mircher, C’est un pédiatre dans l’âme : il a une grande connaissance des maladies génétiques, mais aussi de tout ce qui les accompagne. Il a une prise en charge experte de chaque patient, non seulement par sa grande connaissance médicale et son sens clinique, mais aussi par son attention, sa disponibilité, sa patience, son respect de chacun qui lui donnent une profondeur particulière. Le Dr Ravel aide volontiers chacun, capable de répondre même à 23 heures aux appels à l’aide de parents, de recevoir en urgence un patient sur son heure de déjeuner, ou encore d’interrompre immédiatement ce qu’il est en train de faire pour donner son avis expert au collègue qui le lui demande. Il nous a tous beaucoup appris. »

« Une vertu commune aux médecins et aux parents, c’est l’espérance. »

Le soin de ses patients, l’accueil de chacun, offrir la meilleure prise en charge : c’est ce qui animera le Docteur Ravel durant toutes ces années auprès des patients. « En 40 ans, j’ai vu de tels progrès en médecine que j’ai confiance : l’avenir est à nous. Il y a encore du chemin à faire pour la trisomie 21 mais nous y arriverons. Une vertu commune aux médecins et aux parents, c’est l’espérance. » Ce message n’est d’ailleurs pas sans rappeler les mots du Professeur Lejeune « La tâche est immense mais l’espérance aussi ! »

A la veille de son départ, le Docteur Aimé Ravel porte un regard serein sur l’avenir : « Je pars rassuré de savoir la relève assurée. J’ai confiance en l’Institut que je sais solide aujourd’hui et qui poursuivra notre travail. »

Ceux qui connaissent le Docteur Aimé Ravel imagineront sans mal son sourire amusé lorsqu’il conclut par ces mots « Je ne regrette pas ma vie, je l’ai trouvée intéressante », avant d’ajouter, plus gravement « Je n’ai fait que mon devoir ».