Plan douleur et appréhension des soins : objectif zéro !

Chaque année, ce sont plus d’un millier de prélèvements sanguins qui sont réalisés par les infirmières de l’Institut Jérôme Lejeune. Devant ce soin très courant, l’appréhension varie d’une personne à l’autre.

 « Sur 1 393 prises de sang effectuées en 2022 à l’Institut, 54% des patients étaient non-consentants, et pour 105 d’entre eux, la présence de trois aidants a été nécessaire » explique Aude Pinard-Legry, infirmière à l’Institut. Arrivée en 2021, cela fait plus de vingt ans qu’elle exerce le métier d’infirmière, mais n’avait jusqu’alors travaillé que dans des services de réanimation et de bloc opératoire. « La plongée dans le monde du handicap fut aussi intense que motivante, raconte-t-elle, car je me suis rapidement aperçu que faire accepter un soin à nos patients est un véritable défi ! »

Comme dans la population générale, l’appréhension que peut générer un prélèvement sanguin est variable selon chaque personne. Toutefois, les personnes porteuses d’une déficience intellectuelle peuvent avoir de plus grandes difficultés à rationaliser leurs craintes et se montrer donc plus réfractaires. A cela s’ajoute un parcours de soin long et difficile depuis le début de leur vie. Deux infirmières ne sont alors pas de trop pour apaiser l’intéressé et obtenir son laisser-faire. Elles doivent même parfois être aidées d’un parent ou d’une tierce personne. « Il peut être nécessaire de maintenir le patient pour que le soin puisse être fait, explique Aude, nous parlons alors de contention ». Cette dernière n’a rien de souhaitable : elle est psychologiquement violente pour le patient comme pour le soignant. Et même pour les parents qui en sont témoins.

Convaincues de la nécessité d’améliorer cette prise en charge afin qu’elle soit la moins traumatisante possible pour le patient, Aude et Gwenaël, les infirmières de l’Institut, ont lancé en 2022 un plan « douleur et appréhension des soins ». Son objectif : tendre vers le « zéro contention » ! Pour cela, elles ont fait évoluer leur environnement de travail et ont repensé leur méthode.

Améliorer l’existant et innover

L’attention portée au bien-être fait partie de l’ADN de l’Institut et par conséquent, plusieurs solutions étaient déjà en place, mais chacune a bénéficié d’amélioration grâce à l’ingéniosité des deux infirmières. C’est le cas par exemple du masque de MEOPA, gaz analgésique qui favorise la relaxation, mais certain supportait mal d’avoir quelque chose sur le visage. Grâce à l’ajout d’un arôme naturel de fraise, il est désormais bien plus facilement accepté ! Autre exemple, le patch d’EMLA, crème anesthésiante appliqué localement, est parfois refusé par les patients qui ne supportent pas de porter un pansement. Pour y remédier, Aude et Gwenaël ont imaginé une alternative à base de cellophane, qui fait déjà ses preuves.

Le bureau de prélèvement est décoré de nombreux stickers colorés, on y trouve des marionnettes, des bulles de savon, mais aussi deux écrans qui aident ceux qui le souhaitent à s’échapper en écoutant de la musique ou en regardant la vidéo de leur choix. La distraction passe également par des comptines chantées ensemble, ou encore des histoires codées, racontées au patient : « Nous connaissons par cœur nos histoires, explique Aude, amusée. Nous y glissons des signaux pour faire comprendre à celle qui pique que c’est ou non le bon moment ». L’imagination n’a pas de limite !

Après chaque prélèvement, les infirmières consignent en quelques lignes les informations importantes liées au soin (la façon dont il s’est déroulé, les moyens mis en place etc.) et s’appuient sur cet historique la fois suivante. Dans le cadre du plan « douleur et appréhension des soins », elles ont développé une échelle d’appréhension, qu’elles utilisent pour évaluer le comportement du patient et adapter leur action.

Un nouveau petit outil, très apprécié des patients ayant peur des aiguilles, a également été mis en place : le parapique. Il s’enfile comme un brassard, et fait écran entre la zone de prélèvement et le regard grâce à une illustration plastifiée. Nemo, la reine des neiges, ou encore Pat’Patrouille : chacun peut choisir celle qu’il préfère !

Un plan qui fait ses preuves

Mais au-delà de toutes ces astuces, la dimension humaine est primordiale. Aude et Gwenaël s’attachent par exemple à établir un premier contact avec le patient en amont du soin, et viennent le rencontrer au début de sa consultation. Elles encouragent, félicitent, remettent même parfois un diplôme du courage, expliquent et consolent lorsque c’est nécessaire.

« Nous n’atteindrons pas le ‘zéro contention’, conclut Aude. Si dans la plupart des cas nous parvenons à obtenir, sinon leur consentement, au moins leur ‘laisser-faire’, il y aura toujours des situations dans lesquelles il est nécessaire de maintenir plus fort la personne. Dans ce cas, nous déployons immédiatement un temps de consolation et d’explication… et nous proposons aux parents ou au foyer de mettre en place un protocole d’habituation au soin. L’objectif est qu’il se passe mieux la fois suivante. Nous recherchons avant tout le bien du patient. »

Le plan « douleur et appréhension des soins » fait déjà ses preuves : parmi les 538 patients prélevés depuis le début de l’année 2023, moins de 2% d’entre eux ont nécessité un maintien.