Rencontre avec l’infirmière de consultation de l’Institut Jérôme Lejeune

Au bout du couloir de la consultation de l’Institut Jérôme Lejeune, se trouve un bureau qui diffère un peu des autres. Les murs sont recouverts d’illustrations expliquant le déroulement d’un prélèvement, un écran est accroché au mur et diffuse des dessins animés. C’est dans ce bureau que travaille Marine Dufour, infirmière à l’Institut depuis 2 ans. Rencontre.

En quoi consiste votre travail à l’Institut ?

Je suis infirmière de consultation. J’interviens pour assister les médecins qui en font la demande durant leur consultation, par exemple en prenant les constantes (pouls, température, tension…), pour les prélèvements ainsi que certains examens. 

Les prises de sang représentent une bonne partie de mon travail, mais j’interviens également lors d’électro cardiogramme (ECG), ou encore de biopsies de peau (prélèvement d’un fragment de peau, en vue d’analyses).

J’assure une veille des examens biologiques en alertant en cas d’irrégularité ou de découverte de pathologie. Je suis aussi référente hygiène et sécurité de l’Institut : je participe aux comités qualité pour la consultation, je m’assure des stocks du matériel de soin, je m’occupe des procédures de sécurité. Cette tâche prend une ampleur particulière en période d’épidémie. Je travaille avec Alicia Gambarini, notre infirmière technicienne d’étude clinique, qui s’occupe entre autre, des examens relatifs à la recherche (comme les ponctions lombaires) avec les médecins, et suis en lien avec tous les personnels de l’Institut, ce qui implique une certaine polyvalence !

Quelles sont les spécificités du métier d’infirmière à l’Institut ?

Le profil des personnes suivies à l’Institut Jérôme Lejeune induit nécessairement une prise en charge spécifique par rapport à la population générale. Des actes et soins médicaux qui pourraient sembler en apparence anodins, deviennent parfois beaucoup plus compliqués pour des personnes atteintes de déficiences intellectuelles. Nous sommes très attachés à la particularité de cette prise en charge. D’une part, sur le plan physiologique, parce que les personnes porteuses de trisomie 21 ont un sang particulièrement épais, ou souffrent d’hyperlaxité physiologique (leurs ligaments sont plus souples) qui peut les rendre difficiles à prélever. Et d’autre part sur le plan psychologique, parce qu’ils peuvent avoir plus de mal à gérer leur appréhension. Je prélève également des patients de tous âges : c’est un autre paramètre auquel il faut s’adapter.

Quels moyens mettez-vous en œuvre pour prendre en charge ces personnes ?

Nous veillons à prendre le temps nécessaire pour recevoir chacun. Si cela s’avère nécessaire, il peut arriver que sur une consultation d’une heure, une demi-heure soit consacrée à un prélèvement sanguin. L’enjeu est de s’adapter à chaque patient.

Beaucoup d’entre eux ont un passé médical lourd : ils ont vécu des hospitalisations, beaucoup d’examens. Chez certains, cela créé une forme de traumatisme qu’il faut prendre en compte. Par ailleurs, la trisomie 21 requiert des analyses sanguines régulières, pour contrôler la thyroïde notamment, et il suffit d’une mauvaise expérience pour développer une grande appréhension des prises de sang.

Nous déployons donc différents moyens pour prendre en charge la douleur : par exemple, le MEOPA, un gaz analgésique qui amène une sédation consciente et permet d’atténuer l’angoisse face aux soins, ou encore l’EMLA, une crème anesthésiante appliquée localement. Lors du prélèvement, je propose toujours au patient une distraction : écouter une musique qu’il aime, ou bien regarder une vidéo sur l’écran située face à son fauteuil. On entre dans l’imaginaire de l’enfant en chantant ou mimant une comptine par exemple. Pour pallier l’angoisse, on valorise l’effort de la personne, en l’applaudissant après la prise de sang ou bien en lui remettant un diplôme du courage. L’enjeu est de laisser un souvenir positif de ce moment qui n’est, en soit, pas très agréable.

Comment se déroule un prélèvement à l’Institut ?

Lorsque le médecin en fait la demande, je viens poser un patch anesthésiant pendant la consultation ce qui permet de créer un premier lien avec la personne. Je reviens au terme de la consultation pour effectuer le prélèvement. Je veille à toujours bien expliquer au patient et à l’accompagnant, ce que je vais faire et ce que je fais durant l’acte. La durée du soin est très variable, elle dépend vraiment des besoins de la personne.

Quels sont les différents prélèvements sanguins effectués à l’Institut ?

Il y a trois types de prélèvements sanguins : la prise de sang classique de surveillance médicale, le prélèvement génétique (qui permet de faire un caryotype, ou d’identifier un syndrome inconnu) qui est très spécifique à l’Institut, ou encore les prélèvements pour la recherche, envoyés à notre laboratoire interne. Le prélèvement ne se fait que sur demande du médecin et avec l’accord de la famille. Pour la recherche, un consentement doit être signé par le tuteur ou par le patient lui-même. On prévoit dans ce cas un consentement imagé qui l’aide à bien comprendre ce dont il s’agit.

Certaines personnes viennent depuis longtemps : quelle est leur relation avec l’Institut ?

Beaucoup de patients suivis à l’Institut le sont depuis leur naissance : il y a donc une relation de confiance très forte créée avec leur proche et eux. C’est très important pour nous. Certaines familles demandent à ce que leur enfant soit prélevé uniquement à l’Institut parce qu’ils sont sensibles à l’attention déployée autour de la personne. D’autres arrivent en me disant « Vous verrez, il est impossible à piquer », et repartent une demi-heure après, le prélèvement effectué !

Je ne vais jamais à l’encontre de la volonté des parents et je ne m’acharne pas. Il arrive qu’à la première tentative le prélèvement échoue : s’ils m’y autorisent je tente une seconde fois, mais jamais plus. Lorsque la personne n’arrive pas à s’apaiser, je préfère ne pas insister et reporter le prélèvement. Le bien du patient est primordial. Cela contribue à la relation de confiance que nous entretenons avec eux. La visite à l’Institut est souvent un moment important pour les familles. Beaucoup témoignent du fait qu’ils aiment y venir et qu’ils apprécient l’attention qui y est portée à leur proche. Tous les actes que l’on peut faire sur place permettent de les soulager en les libérant de quelques examens : cela facilite les démarches et l’organisation pour eux.

Que représente pour vous le fait de travailler à l’Institut Jérôme Lejeune ?

J’ai toujours été attirée par le monde du handicap et plus particulièrement depuis mes études d’infirmière. Cela avait beaucoup de sens pour moi de venir à l’Institut : à la fois sur le plan personnel, mais aussi sur le plan professionnel.

J’expérimente en profondeur les valeurs de mon métier : l’accompagnement, la bienveillance, l’attention au patient. En travaillant ici je rencontre des personnes exemplaires et courageuses, c’est une leçon d’humilité quotidienne. Cela me pousse à m’appliquer dans mes soins, à leur apporter une petite aide à mon échelle, à les valoriser. C’est ma façon de les aider. Lors de stage infirmier, nous côtoyons peu le milieu du handicap alors que c’est extrêmement formateur ! J’accueille d’ailleurs régulièrement au sein de l’Institut des élèves infirmiers de l’Institut de Formation en Soins Infirmiers de l’Hôpital Saint-Joseph : je suis toujours heureuse de leur faire découvrir cet univers.

Voilà 2 ans que vous êtes à l’Institut, auriez-vous un souvenir marquant à nous partager ?

Je suis toujours émerveillée de voir l’évolution de l’appréhension chez certains patients. J’ai connu une personne très angoissée à l’idée d’être prélevée, et qui choisit de venir seule l’année d’après, laissant ses accompagnants l’attendre dans le couloir. Tous ne l’expriment pas de la même façon, mais généralement ils sont soulagés et fiers et c’est ce qui m’importe le plus. Il y a quelques mois, j’ai trouvé deux poupées aux traits de nourrissons porteurs de trisomie 21, que j’ai installées dans la salle d’attente des enfants. Ces derniers étaient ravis de pouvoir jouer avec une poupée qui leur ressemble. C’est un souvenir qui m’a marquée ! Je me souviens aussi d’une petite fille si fière après son prélèvement qu’elle avait fait le tour de tous les bureaux du secrétariat médical pour montrer à chacun son diplôme du courage !